On croirait se tromper d’adresse tant la bâtisse vitrée ressemble à un aéroport ultramoderne. Même celui situé à 800 mètres ne lui va pas à la cheville. C’est dans cet espace lumineux exhibant d’immenses alambics de cuivre que sont distillés de fins spiritueux: vodka légère, gin parfumé, rye whisky, liqueur de gingembre…

L’hôte aux allures de rebelle—casquette, verres fumés, tatouages et t-shirt à l’effigie d’une chanteuse rock—nous fait monter dans un bar spectaculaire avec vue à 360 degrés. «Je m’appelle Pierre Mantha, je viens de Gatineau et j’étais mécanicien de camions lourds avant de bâtir ma distillerie», dit-il en pointant son garage établi dans le stationnement. Il parle ensuite de ses trois concessionnaires et d’un projet d’expansion avorté, il y a cinq ans. «J’avais 45 ans et je cherchais un nouveau défi.»

Pierre Mantha, chef de AIR Distillerie Pierre Mantha, chef de AIR Distillerie

AiR Distillerie, c’est le projet grandiose de l’entrepreneur Pierre Mantha qui souhaite bousculer les conventions en offrant des spiritueux innovateurs, surprenants et uniques.

Matières premières à profusion

C’est un ami à lui, lors d’un voyage en Colombie, qui l’a mis sur la piste. «Il m’a dit: “Au Québec, vous avez de l’eau en abondance, ingrédient de base des spiritueux. Ouvre une distillerie!”« Le coloré homme d’affaires s’est mis à réfléchir. Ce qui l’intéressait dans cette idée, ce n’était pas tant l’alcool—»Pour moi, la boisson c’est du trouble»—, ni l’alchimie—»Je ne savais pas comment distiller»—, que le fait de construire une usine «cool», ouverte comme une cuisine.

Propriétaire d’un immense terrain industriel aux abords de la ville, Pierre Mantha s’est souvenu d’une veine d’eau exploitée par l’un de ses voisins. «Je l’ai appelé pour lui demander s’il y avait bel et bien une source souterraine dans ce coin perdu à côté de l’autoroute 50. Il a dit oui. J’ai fait creuser, puis investi dans un système de filtration. Mon problème d’eau était réglé!» Pour le maïs servant à fabriquer l’alcool neutre, il n’avait qu’à se tourner vers la ferme familiale Deschardins, qui cultive le grain à proximité depuis quatre générations.

Édifice de AIR DistillerieÉdifice de AIR Distillerie

Un projet fou

L’intrépide visionnaire devait maintenant se familiariser avec cet univers… alambiqué. Pendant un an, il a fait le tour des distilleries aux États-Unis. «Californie, Floride, Louisiane… j’en ai visité une bonne vingtaine. À ma grande surprise, pas une n’avait d’équipement fonctionnel. Et aucune n’était en mesure de me dire le nombre de bouteilles vendues», s’étonne-t-il.

Pour lui, pas question de faire de la distillerie un simple passe-temps, encore moins de s’établir dans un shed clandestin. Il tenait son défi! «La tendance est de connaître la provenance des aliments et de voir le chef à l’œuvre. C’est ce qui m’a guidé vers la production artisanale dans un espace transparent et la confection de recettes uniques à partir de produits 100% locaux. Du grain à la bouteille, tout est fait sur place», dit-il.

Avec son charisme et sa volonté inébranlable, ce «gars de course qui carbure à l’adrénaline» a su convaincre les bailleurs de fonds. Cinq millions d’investissements et trois ans de travaux de construction plus tard, l’usine est sortie de terre. Au printemps 2018, tout était prêt pour l’embouteillage. La Vodkalight d’abord, une vodka légère à 30% d’alcool, suivie du Waxwing Gin Bohémien, déjà classé au rang des meilleurs gins québécois, du Kilinger Rye, un rye whisky de seigle et de maïs, et du Mayhaven, première liqueur de gingembre au pays.

Chaque produit s’inspire d’artistes anticonformistes—parfumeur, artificier, DJ—, d’où le nom «Artist in Residence», ou AiR Distillerie en clin d’œil à l’aéroport. «En fait, c’est Pierre, l’artiste! précise en souriant son directeur de la commercialisation, Pat Chartrand. Il a de la drive et nous drive toute la gang.»

En voie de devenir la plus grosse microdistillerie au Québec, pour ce qui est du volume, AiR Distillerie enregistre une production annuelle de 300 000 bouteilles, avec bientôt une douzaine de marques sur les marchés québécois, ontarien et sud-américain. Le prochain défi de Pierre Mantha? Faire de l’endroit une destination touristique prisée en matière de dégustation, reconnue de Toronto à Los Angeles. «Je veux que les Québécois soient fiers de ce que nous avons accompli, de ce qui se passe ici. Ce n’est que le début!»

Barils d'alcoolBarils d'alcool

Distillerie artist in residence vodkalight

Première vodka légère au Canada (30% d’alcool), ce spiritueux, réduit en calories, donne une impression aromatique de coco et de maïs, et est un avant-gardiste dans sa catégorie. Se boit sur glace avec du soda et de la lime, ou encore avec du jus de canneberge ou du kombucha. Accompagne le poisson à la manière d’un vin.

Distillerie artist in residence waxing gin bohémien

Ce gin au parfum de petits fruits (baies de genièvre, d’églantier et de sorbier) et à la coloration naturellement dorée suit la route aromatique du jaseur boréal, le waxwing (d’où son nom). Se boit avec du tonique ou sur glace. Parfait en apéro, avec des fromages, des viandes froides et des tapas.

Distillerie in artist in residence Mayhaven

Ce «spiritueux de l’illumination» à 30% d’alcool est la première liqueur de gingembre au Canada. Légèrement pimenté avec une touche de lime, le Mayhaven se sert en shooter, en apéro ou en digestif. Cocktail Moscow Mule: 30 ml (1 oz) de Mayhaven (remplace la bière de gingembre) + 30 ml (1 oz) de Vodkalight + jus de lime + soda.

Distillerie artist in residence kilinger eye

Ce rye whisky blanc créé dans l’esprit des gangsters des années 1850 est composé à 49% de seigle et à 51% de maïs cultivés localement. Doux au palais grâce à sa distillation dans des alambics de cuivre, il se sert avec du cola, du soda citron-lime ou du soda au gingembre.

Photos: AiR Distillerie