On est habitués à penser aux accords vins et mets, en préparation d’un repas: blanc avec les poissons, rouges avec les viandes, etc. L’idée des accords bières – avec le fromage, c’est génial – fait aussi son chemin. Mais les accords cocktails?

Pourtant, l’art de la mixologie est bâti sur la mise en commun d’ingrédients divers pour créer un équilibre entre les saveurs et les arômes. Les notes d’herbes et d’épices, d’agrumes et de petits fruits, voire les accents fumés, grillés, ou encore les tonalités sucrées, amères ou acides font toutes partie des recettes de cocktails. On peut donc mettre à profit cette gamme pratiquement infinie de possibilités pour créer des rencontres de goûts bien précises. Mieux encore, on contrôle pleinement le choix des ingrédients et des arômes…

Comment s’y prendre? Voici quelques idées pour réussir des combinaisons gagnantes.

Qui se ressemble s’assemble

Dans les traditions du sud des États-Unis, le bourbon accompagne régulièrement le barbecue. Un accord assez naturel, puisque les notes fumées et caramélisées se retrouvent à la fois dans les viandes cuites patiemment à basse température et dans le bourbon élevé dans des barriques de chêne américain fortement toastées. Si les mêmes types d’arômes se retrouvent dans le verre et dans l’assiette, on profite de ces harmonies moléculaires dont François Chartier s’est fait le champion pour les accords vins et mets.

Ainsi, les viandes fumées ou grillées seront bien mises en valeur par des cocktails à base de whiskey, que ce soit le bourbon ou un scotch tourbé ou un rye aux accents un brin plus rugueux. Le mezcal, puisqu’il partage les mêmes notes fumées, est aussi une bonne ressource de ce côté.

Les combinaisons d’épices et d’herbes diverses qu’on trouve dans un amaro ou un vermouth, notamment, peuvent aussi ajouter une autre série de correspondances harmonieuses entre le plat et le cocktail. Les manhattan, old fashioned, boulevardier et autres variations sur ce vaste thème sont ainsi des compagnons de choix des côtes levées en sauce, du steak avec sauce porto et champignons ou du gibier servi avec une sauce aux petits fruits. Il y a de l’érable dans la sauce ou la marinade? Ajoutez-en une petite quantité dans le cocktail et le bonheur en sera d’autant plus grand.

Ce genre de correspondance s’applique à l’utilisation de la bière de gingembre dans un cocktail servi avec les sushis, d’une touche de crème de menthe là où cette herbe s’invite dans le plat, voire d’une liqueur de café ou de cacao avec un dessert aux notes torréfiées. La lime fraîchement pressée sur un taco fera de même un beau complément à un margarita ou autre cocktail où se côtoient tequila et agrumes.

Compléments et contrastes

Ceci dit, on n’est pas obligé de toujours travailler dans la continuité des arômes, loin de là. L’accord classique des bloody marys ou caesars avec le brunch repose plutôt sur les contrastes entre le piment et l’acidité de la tomate, dans le verre, et le caractère riche des plats à base d’œufs ou du bacon. De même, le plaisir du spritz avec les petites bouchées salées ou les olives d’un apéro méditerranéen repose plus sur la façon dont le cocktail rafraîchit la bouche et permet de passer allègrement d’une saveur à l’autre.

De la même façon qu’on arrose un poisson blanc de citron, un cocktail aux agrumes peut offrir un contrepoint intéressant aux saveurs d’un filet de saumon ou de turbot garni de fines herbes. Le recours au vermouth ou à une liqueur aux herbes comme la chartreuse peut venir enrichir cette harmonie d’arômes et ajouter de la complexité à l’accord.

Avec des mets indiens épicés, pourquoi pas un gin fizz, où le mélange de crème, de blanc d’œuf et d’agrumes calmera la chaleur du mets, comme le yogourt dans le traditionnel lassi? Une version alcoolisée du lassi, avec alcool blanc et fruits tropicaux, pourrait également être une piste à explorer.

Dans les pays scandinaves, on sert fréquemment crustacés et poissons fumés avec de l’aquavit, un alcool blanc aromatisé avec des épices comme les grains de coriandre ou le cumin. Les vodkas aromatisées ou gins québécois de la pastille Forestier-boréal peuvent servir de façon similaire à créer des cocktails parfaits pour les poissons fumés ou le homard. Bitters et sirops peuvent aussi venir donner à la boisson la touche épicée qu’on aurait autrement placée dans l’assiette: céleri, écorce d’orange, cannelle, etc.

Au fond, le cocktail est une recette, au même titre que celle de l’entrée, du plat ou du dessert. Pensez vos ingrédients comme le chef prépare son plat, intégrez-le bien aux saveurs du repas, et vous voilà en route vers de nouveaux horizons.

L’art de bien mesurer

Puisque les cocktails sont souvent faits avec des alcools forts, il est bon de tenir compte de la dose d’alcool présente dans un verre – en particulier si l’on prévoit plusieurs accords sur plusieurs mets, comme on le ferait avec des vins lors d’un repas. Un cocktail de 2 ou 3 onces, selon les ingrédients, peut facilement être l’équivalent de 4 à 6 onces de vin. En utilisant du vin mousseux, des jus, des sodas ou de l’eau pétillante, on peut modérer le taux d’alcool des cocktails servis, afin que le plaisir des arômes se déguste en douceur. Intercaler une bière ou de l’eau entre les cocktails pourra aussi rafraîchir le palais et préparer la voie à de nouvelles saveurs.